Sur les positions où les tirs
succèdent aux tirs, la tension est grande. Voulant informer son personnel
sur la situation et la marche des opérations, le mettre en garde contre les
dangers potentiels, le sous-lieutenant Stéfani a dit à ses gradés de la 9e
batterie du 67e R.A.A. que les Allemands effectuaient des
contre-attaques de chars Tigres et Panther et qu'il fallait
avoir l'oeil. Il appartient aux sous-officiers de répercuter aux canonniers
renseignements et consignes. Comme il s'éloigne, il entend un maréchal des
logis algérien le faire de façon imagée :
- Balek! Les "Bouches" contre-attaquent avec des
tigres, des girafes, des panthères, tout le cirque Amar, quoi!
Maintenant, la nuit va tomber.
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LE BATAILLON DU BELVÉDÈRE René Chambre - Flammarion (1953) |
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Vouloir conserver la cote 862
apparaît désormais comme une entreprise des plus dangereuses. Après le 2e Bataillon, on risque de perdre tout le 3e.
Il serait plus prudent de ne pas se laisser enfermer.
L'aspirant d'artillerie Stéfani a heureusement rejoint
dans la nuit, après avoir accompli un véritable tour de force qui lui a valu
les applaudissements des tirailleurs, lorsqu'ils l'ont vu reparaître. Il a
réussi à redescendre dans la vallée, à traverser le Rio Secco et à aller
chercher auprès du Groupement Dunois un poste de T.S.F. de rechange pour
remplacer celui détruit par un obus. Il a, de plus, ramené deux radios avec
lui, pour suppléer à la disparition de ceux qu'il a perdus, l'un tué,
l'autre blessé. Matériel à dos, grimpant dans l'obscurité par des
cheminements impossibles, sur des pentes battues en permanence par les
projectiles, les trois hommes sont parvenus, exténués, à tout de même
retrouver le bataillon. C'est un magnifique exemple de dévouement et de
camaraderie entre artilleurs et tirailleurs. On acclame Stéfani, mais, au
fond, on a jugé cela tout naturel, on se connaît depuis si longtemps, 3e
Bataillon du 4e R.T.T. et 3e Groupe du 67e R.A.A. !
Voici plus d'un an qu'on est frères d'armes, affectés
organiquement l'un à l'autre. On a tant travaillé ensemble sur les plages de
Cherchell, tant exécuté d'exercices réels, on a pris tellement confiance les
uns dans les autres, que les tirailleurs n'hésitaient plus à "se promener"
sous les trajectoires des 105, les obus éclatant quelques pas devant eux,
avec une précision qui ne se démentait jamais. Cela servirait un jour.
Cela allait servir aujourd'hui.
A peine l'aspirant Stéfani est-il arrivé auprès de commandant Gandoët, qu'il
a installé son poste de T.S.F, développé l'antenne et recherché la liaison.
Son visage s'éclaire :
- C'est fait, mon commandant ! Je tiens le groupe. Je
l'entends et il m'entend comme s'il était là, à coté de moi.
- Bravo, Stéfani ! Vous tombez bien. On va avoir fichtrement
besoin de vous ! Demandez tout de suite des concentrations sur les pentes
nord de 862 et le sommet du ravin Gandoët.
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Le capitaine Baluze écrit :
"... Le Boche s'infiltre entre 862 et 681, à trois cents
mètres. J'envoie message sur message au commandant. Entre temps, le commandant a
demandé à la demande de Jordy un tir sur les pentes sud de 862. Il stoppe les
infiltrations. Malheureusement cela coïncide avec le repli.
Un tir de barrage sur O2 est également obtenu.
Enfin un véritable tir d'encagement est exécuté par nos batteries, un peu près,
mais vraiment très précis.
Bravo Stéfani ! ....."
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La nuit est tragique. L'ennemi cherche a gagner
les Français de vitesse. C'est lui qui attaque partout. Ses fusées éclairantes
déchirent les ténèbres. Il force dans le col, entre 681 et 721, entre le 3e
et le 1er Bataillon, voulant à tout prix rejeter le 4e
R.T.T. dans la vallée du Rio Secco, supprimer la tête de pont du Belvédère.
L'artillerie, encore une fois, sauve la situation. Couchés au
milieu des tirailleurs, les lieutenants de Villèle, Stéfani, Girard, le
micro à la main, ne cessent de réclamer des tirs d'arrêts à leur batterie
respectives, d'envoyer coordonnées sur coordonnées. Les chiffres en sont si
étonnants que les commandants de groupe s'inquiètent :
- Mais c'est sur vous, Bon Dieu ! Répétez coordonnées ?
- Oui je répète. Je sais que c'est sur nous, ou à peu près,
mais ça ne fait rien ! Allez-y ! Le Boche est là !
Les obus arrive comme des coups de fouet, sans qu'on les ait
entendus venir. Ils plantent leurs arbres de feu au ras des têtes des
tirailleurs. Quelques-uns, trop courts, éclatent dans la ligne française.
Personne ne crie, personne ne réclame. Ce sont les risques du métier. On les
connaît. Bravo les artilleurs !
La haie de flammes bloque les assaillants, les cloue sur
place, dans un bruit d'enfer, et les voix des lieutenants de Villèle, de
l'aspirant Stéfani, du sous-lieutenant Girard ne cessent de répéter :
- Au but ! Au but ! Confirme coordonnées ! Confirme
coordonnées ! Continuez ! Continuez !
Leur ton est si calme qu'ils ont l'air de radiodiffuser une
compétition sportive.